par Revital Goldshmid et Lior Forkosh (LLM), Contrôleur d’État et Ombudsman d’Israël (19.8.24)
La crise climatique mondiale fait peser de lourdes menaces, notamment la pénurie d’eau, les phénomènes météorologiques extrêmes et les répercussions sur l’agriculture, la sécurité alimentaire et la santé humaine. La situation géographique d’Israël amplifie ces risques en tant que « zone chaude ». Divers organismes gouvernementaux, tels que les ministères des Finances, de la Protection de l’environnement, de l’Énergie, des Transports, de l’Économie, de l’Agriculture, de la Défense, les Forces de défense israéliennes (IDF) et l’administration de la planification au sein du ministère de l’Intérieur, ont des responsabilités différentes en matière de lutte contre le changement climatique.
Le bureau du Contrôleur d’État a réalisé deux audits dans un court laps de temps afin d’évaluer la préparation d’Israël au changement climatique. Les conclusions ont été publiées dans un rapport spécial en octobre 2021 (rapport d’audit précédent) et suivies d’un autre rapport en mars 2024 (rapport d’audit de suivi). L’objectif de l’audit de suivi était d’évaluer les progrès réalisés par le gouvernement pour remédier aux lacunes identifiées dans le rapport initial et de déterminer dans quelle mesure les recommandations du rapport d’audit précédent ont été mises en œuvre. En outre, l’audit a exploré de nouveaux aspects qui n’avaient pas été abordés dans le rapport précédent.
Ces rapports d’audit sont uniques à plusieurs égards. Tout d’abord, ils traitent d’une question en pleine évolution dans le cadre du travail gouvernemental, fournissant aux décideurs un document complet et orienté vers l’avenir. Deuxièmement, ils comprennent des données variées d’analyses menées par des experts sur les risques financiers, physiques et géopolitiques, soulignant la nécessité de les intégrer dans une stratégie nationale de gestion des risques. Troisièmement, les rapports examinent la question à plusieurs niveaux : interministériel, sectoriel (public, privé et société civile), économique (énergie et transport), ainsi que dans une perspective internationale. Cette approche intégrée permet une évaluation complète. Quatrièmement, ils analysent les lacunes organisationnelles et fonctionnelles au sein des organes gouvernementaux et entre eux, suggérant des améliorations dans la gestion des questions climatiques.
Reconnaissant la nécessité pour les gouvernements de prendre des mesures initiales basées sur les connaissances existantes afin de minimiser les risques pour la santé humaine, l’environnement et les infrastructures et de réduire la vulnérabilité, les rapports ont examiné les résolutions et les actions des gouvernements au cours des 15 dernières années, dans plusieurs domaines : atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) ; objectifs en matière d’énergies renouvelables ; adaptation multisectorielle au changement climatique ; risques macroéconomiques et financiers et politiques gouvernementales en matière d’écologisation du système économique et de lacunes structurelles et de gouvernance.
Ces rapports comportent également une couche internationale, qui contient des analyses comparatives des mesures prises dans d’autres pays, une présentation du contenu des organisations professionnelles internationales sur les thèmes du rapport, une analyse des tendances mondiales, des mesures et des recommandations des pays et des organisations internationales, la méthodologie d’analyse des risques de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ainsi que des rapports scientifiques. Tout au long du processus d’audit, les auditeurs ont consulté des experts, des chercheurs, des membres clés de la direction et du personnel professionnel de dizaines d’entités publiques, de ministères et de leurs organes subordonnés, des représentants de l’industrie et d’autres parties prenantes.
L’audit en tant que processus de progression
Les dialogues et les discussions qui ont eu lieu au cours des audits ont encouragé les organismes audités à progresser, parfois même avant la publication du rapport final. Par exemple, la communication entre les responsables de l’audit et les chefs des ministères de la défense et du Conseil national de sécurité d’Israël, au cours du processus d’audit, a permis d’intégrer les risques liés au changement climatique dans les scénarios d’urgence nationaux.
En outre, au cours des dernières étapes de la rédaction du rapport d’audit, après avoir distribué le projet aux ministères et organismes concernés, le ministère de la Protection de l’environnement a promu une proposition de loi sur le climat actualisée. Le projet de loi a été approuvé par le comité législatif du cabinet en septembre 2023. Lors de la Journée de l’environnement, début juillet 2024, les discussions au sein du Comité législatif se sont concentrées sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’audit. Divers représentants du gouvernement ont fait part de leurs progrès dans la promotion d’actions visant à résoudre les problèmes liés au changement climatique. Le ministère de la Protection de l’environnement a fourni des mises à jour sur les progrès législatifs de la loi sur le climat et la préparation du plan national d’adaptation au climat. Ce plan comprend la cartographie des zones d’Israël touchées par le changement climatique et la définition de mesures clés pour faire face à leurs impacts, y compris 48 initiatives et environ 200 tâches pour une trentaine de ministères et d’agences gouvernementales.
Cet exemple montre comment les rapports d’audit peuvent potentiellement contribuer à encourager les progrès des gouvernements sans intervenir directement dans le processus législatif.
L’audit comme outil d’analyse
Les rapports d’audit et l’analyse des données servent d’outils d’information et de cadres d’action pour les organismes contrôlés, fournissant des ressources de connaissances qui n’étaient pas accessibles au public auparavant. Les données compilées à l’aide d’un questionnaire distribué à tous les ministères et organismes publics concernés ont fourni des informations complètes, y compris des analyses quantitatives et comparatives. Par exemple, les rapports d’audit ont présenté de nouvelles données quantitatives comparant les budgets de la politique climatique et le soutien gouvernemental aux combustibles fossiles avec les allocations et les budgets d’utilisation pour les initiatives liées au climat. Ces informations sont désormais publiques et peuvent être utilisées par les organismes publics lorsqu’ils envisagent diverses alternatives politiques.
En outre, une enquête menée auprès de 60 ministères et organismes publics a permis de cartographier quantitativement les domaines de faiblesse et les lacunes de l’action gouvernementale en matière de risques climatiques. L’enquête a permis d’identifier des tendances telles qu’une légère amélioration (2 %) des plans d’adaptation aux risques climatiques au niveau ministériel et une augmentation (3 %) du nombre d’organismes publics effectuant des évaluations des risques organisationnels liés aux scénarios de changement climatique.
Principales lacunes identifiées au cours du processus d’audit et ayant fait l’objet de constatations
En 2020, Israël a enregistré la plus faible réduction d’émissions parmi les pays développés. Plusieurs lacunes ont été identifiées dans le processus d’approbation du plan national d’adaptation au changement climatique du gouvernement, avec des progrès insuffisants de la part de nombreux organismes publics. Les rapports d’audit ont mis en évidence la nécessité d’une évaluation économique et fiscale nationale complète liée au changement climatique et de la formulation d’une politique climatique à long ou moyen terme. L’absence d’une entité gouvernementale intégrée pour les questions climatiques explique en partie les difficultés rencontrées pour réaliser des progrès.
Ces conclusions ont conduit le gouvernement à renoncer à des recettes publiques dépassant 32 milliards de NIS par le biais de soutiens et de subventions aux combustibles fossiles, soit 10,6 fois le montant prévu pour l’investissement climatique (la décision d’allouer environ 3 milliards de NIS), et 33 fois le montant effectivement investi (utilisation du budget de 988 millions de NIS). Ces écarts, illustrés dans le graphique ci-dessous, reflètent les priorités du gouvernement, qui multiplie les déclarations d’objectifs climatiques sans allouer les ressources nécessaires, tout en poursuivant des politiques de financement qui sapent ces objectifs.
Budgets climatiques déterminés dans les décisions gouvernementales, leur allocation et leur utilisation, comparés aux subventions pour les combustibles fossiles, 2015 à 2022 (en milliards de NIS)

Conclusions
Malgré de nombreuses déclarations et décisions, le gouvernement n’a pas remédié aux nombreuses lacunes identifiées dans le rapport 2021 sur la préparation au changement climatique. Le rapport de suivi met en évidence des défaillances majeures telles que l’absence d’une entité gouvernementale de coordination de premier plan, des retards dans l’adoption de réglementations contraignantes et une attention insuffisante du gouvernement à l’égard des risques climatiques et des impacts macroéconomiques. Bien que des progrès aient été accomplis dans la fixation d’objectifs de réduction des émissions et dans la préparation des secteurs de la sécurité et de la banque, la plupart des ministères n’ont pas encore pris de mesures adéquates pour atténuer ces risques.
Recommandations
Sur la base de l’expérience d’Israël, qui a réalisé deux rapports d’audit climatique en l’espace de trois ans, il est urgent que le gouvernement prenne des mesures décisives pour lutter contre le changement climatique. Les principales recommandations sont les suivantes : créer une entité gouvernementale chargée de coordonner les efforts en matière de climat ; faire progresser une législation contraignante avec des objectifs clairs ; mettre en œuvre une taxe sur le carbone pour internaliser les coûts environnementaux ; investir dans les infrastructures pour la diversification énergétique ; élaborer une stratégie nationale globale de gestion des risques ( ) ; promouvoir et budgétiser un plan d’adaptation aux risques liés au changement climatique ; et réformer les pratiques budgétaires pour financer de manière adéquate les initiatives en matière de changement climatique. Ces actions sont essentielles pour aligner les politiques d’Israël sur les engagements internationaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à assurer un développement durable face aux défis environnementaux mondiaux.
Principales incidences à la suite des rapports d’audit climatique
Les principaux effets des rapports réalisés par le bureau du Contrôleur d’État sont les suivants :
- L’Autorité de l’innovation a quintuplé ses investissements dans les technologies climatiques, a engagé des experts pour évaluer les projets et a créé des outils politiques pour classer les projets technologiques en tant qu’entreprises climatiques.
- La taxe carbone, en discussion en Israël depuis 15 ans, est en passe d’être approuvée par le Parlement, son importance ayant été soulignée dans deux rapports.
- La première lecture de la loi sur le climat, récemment adoptée, a chargé les ministères de préparer des plans de préparation aux risques climatiques assortis de calendriers contraignants, comme le recommande le rapport.
Le rôle de l’ISC dans la promotion des questions liées au changement climatique
L’article souligne le rôle essentiel des institutions de contrôle des finances publiques (ISC) dans la promotion des questions liées au changement climatique dans le cadre du travail gouvernemental, en mettant l’accent sur leur capacité à sensibiliser les parties prenantes et le public.
Pour s’acquitter efficacement de leurs responsabilités, les ISC devraient produire des rapports de suivi visant à susciter des changements substantiels. Le rapport de suivi du Contrôleur d’État d’Israël a permis de promouvoir de manière significative la sensibilisation aux questions liées au changement climatique. Par conséquent, les ISC devraient intégrer de telles initiatives dans leurs plans stratégiques et favoriser les collaborations internationales pour le bien-être des générations actuelles et futures.